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Cancer et psychosomatique relationnelle - Pr Sami-Ali

CANCER ET PSYCHOSOMATIQUE RELATIONNELLE

Professeur Sami-Ali

Comme tous les concepts que j'ai développés, l'impasse est un concept issu de la clinique, qui renvoie à la clinique, pour la rendre plus efficace et plus pertinente. Ce concept est apparu dans mes travaux pour la première fois en 1967, et je n'ai cessé depuis de le développer et de l'approfondir. Jusqu'à mon dernier livre, « Impasse, temporalité et cancer », ce concept a accompagné toute mon activité d'écrivain et de thérapeute, dans le but de le rendre encore plus pertinent dans la compréhension de la pathologie, et surtout plus efficace pour aider les personnes qui souffrent dans leur corps et qui cherchent de l'aide.

Pour présenter ce concept en quelques mots, je dirais que l'impasse est la situation d'une personne qui se trouve dans un conflit sans issue. Mais il faut là s'accorder sur ce qu'on entend par : « situation conflictuelle sans issue ». Il ne s'agit pas d'un conflit qui ne trouve pas son issue pour des raisons ponctuelles. Une grève, par exemple, est un conflit qui peut rester sans issue parce que les deux partenaires refusent de céder. Cela peut aboutir à une situation où l'on va parler d'impasse ; mais en fait, il y a une issue, sur laquelle les partenaires n'arrivent pas à s'entendre. C'est là une forme d'impasse que j'appelle hystérique, et qu'on retrouve, pour prendre un autre exemple, dans la mésentente conjugale : on ne se comprend plus, on ne s'accorde sur rien, et souvent, on n'arrive pas à trouver une solution ; mais la solution existe, on peut rester ensemble, ou partir. C'est là une forme d'impasse, l'impasse hystérique, qu'il faut reconnaître, qui existe, mais ce n'est pas cela que j'ai découvert à propos de la pathologie organique et dont il est ici question. Les impasses que j'ai constatées dans la clinique psychosomatique, c'est tout autre chose : ce sont des situations fermées dans lesquelles, chaque fois que l'on croit trouver une issue, celle-ci s'avère illusoire, de telle sorte que l'on est constamment ramené à la même fermeture, qui n'est donc pas due simplement à l'incapacité de la personne à trouver une issue ; en fait, dans cette situation, la fermeture a pour origine l'impasse elle-même, toute issue étant exclue par la structure logique même de l'impasse.

Sur le plan théorique, il y a eu deux moments essentiels dans l'élaboration du concept d'impasse. L'un est le moment où j'ai rencontré le concept de double entrave (double bind)[1] qui a été avancé à propos de la pathologie mentale et qui propose que le sujet qui souffre de psychose se trouve pris dans une situation où le « oui » égale le « non ». Le fait le plus important dans cette situation de double entrave, c'est que le sujet se trouve dans cette situation contradictoire avec son père, ou sa mère, qui eux-mêmes y sont impliqués ; ce n'est pas le malade qui a inventé, qui a créé tout cela tout seul ! Et en effet, toute pathologie, même organique, est pour moi relationnelle ; c'est pourquoi le conflit doit selon moi toujours être pensé comme une situation relationnelle. Dans la situation de double bind, le sujet se trouve donc pris dans un conflit insoluble parce qu'il est contradictoire : s'il dit oui, c'est mauvais pour lui ; s'il dit non, c'est mauvais aussi ; et il n'y a pas de troisième terme. De sorte que ce qui caractérise cette situation, c'est non seulement la contradiction, mais aussi le fait que le sujet ne peut pas s'en sortir. Il y a alors une dépendance qui s'installe dans la situation, le sujet ne pouvant dire ni oui, ni non, ni sortir de la situation. C'est donc là une forme d'impasse régie

par la contradiction. J'ai ainsi pu montrer qu'il peut y avoir différentes formes logiques d'impasse, dont cette forme de la contradiction dans le cas de la psychose. Dans le cas de l'enfant qui se gratte, l'impasse a une autre forme, celle du cercle vicieux : le début, c'est la fin, et la fin c'est le début et ainsi de suite. J'ai ainsi décrit différentes formes de l'impasse, qui est donc un concept beaucoup plus vaste que le concept de double bind, qui, lui, s'apparente en fait à une forme particulière d'impasse, la contradiction.

Il en est de même pour le stress. C'est un concept qui a été dégagé dans le champ de la biologie à partir de situations expérimentales, par exemple la situation d'un organisme, un animal, soumis à des stimulations sonores continues. Ces expérimentations montrent que de telles situations, qui sont des situations de fermeture totale (il n'y a pas de solution, l'organisme ne peut échapper à la stimulation) se traduisent par une réaction défensive extrême mobilisant toutes les capacités de l'organisme, qui se maintient longtemps, trop longtemps, ce qui finit par abaisser les défenses immunitaires de cet organisme qui est alors livré à des pathologies graves. Le phénomène est donc là décrit en terme de processus : le stress étant une réaction qui se produit dans un organisme en réponse à une stimulation. Mais dans cette description, on ne se rend pas compte de l'évidence, à savoir que pour que le stress apparaisse, il faut créer une situation que l'animal ne peut ni modifier en l'attaquant, ni arrêter en la fuyant. Il est donc pris, précisément, dans une situation d'impasse. Certains expérimentateurs, à propos de ces conditions, parlent d'un « désespoir » qui serait ainsi créé chez l'animal ; effectivement, quoi qu'il fasse, il n'y a rien à faire, et l'essentiel est là : c'est une impasse.

Finalement, avec ces deux concepts, qui ont certes leur validité expérimentale, on ignore que l'essentiel ne se situe pas au niveau d'un processus qui se déroule dans l'organisme, chez le sujet, mais au niveau d'une situation totalement fermée, et intentionnellement fermée quand il s'agit d'expérimentation. On ne peut pas isoler ces processus biologiques ou psychologiques de la situation relationnelle. Dès la naissance, il y a relation, et quel que soit le comportement que l'on veut étudier, on ne peut pas le réduire à des processus internes, comme si le monde n'existait pas et comme si la relation n'était pas le fait fondamental de la vie humaine. Le concept d'impasse reste donc inséparable de cette conception nouvelle de la pathologie ; ce qui est essentiel, ce n'est ni le psychique, ni le somatique, parce que l'un comme l'autre sont relationnels. Ce qui est essentiel, c'est ce qui existe dès le début : la relation -  Penser l'Unité. L'esprit du Temps. Paris. 2011.

La relation entre quoi et quoi ? Entre l'individu et son entourage, ce qui veut dire que le fait fondamental est la relation entre le fonctionnement psychosomatique et la relation conflictuelle. En affirmant cela, je m'oppose radicalement à des pratiques qui consistent à introduire après coup la situation, ou le facteur psychologique : on commence par dire qu'il n'y a que des processus internes, puis on s'aperçoit qu'ils sont influencés par des conflits et on rajoute donc du psychologique au somatique et on n'en sort pas parce que dès le départ, on ne voit pas le fait aveuglant : on est dans la relation. On pose le problème en disant : "Comment le psychique agit-il sur le somatique ?" Et donc on sépare ces deux domaines, on les considère comme cela, séparés, côte à côte, et on ne voit rien, justement parce qu'ils sont séparés.

C'est autour de cette thématique que se situent les travaux de recherches présentés lors de ce colloque



[1] Sur ce concept, voir : G. Bateson, 1972, Vers une écologie de l'esprit, 1977 (vol. 1) et 1980 (vol. 2), Paris, Seuil

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